Nancy, 1er novembre 1899, les fêtes de la Toussaint s'achèvent tranquillement quand soudain à 20 heures les habitants de la rue Oberlin se dirigent avec horreur vers une maison.
Un meurtre vient d'avoir lieu au numéro 87 !
Nancy - 1910 - Rue Oberlin |
La police est déjà arrivée et arrête de suite un homme.
Mais que s'est-il passé chez la famille Corbet qui habite au 87 depuis à peine deux ans ?
Retour en arrière...
L'histoire débute en Alsace, dans le Bas-Rhin, dans les villages de La Walck et Sarrewerden.
La Walck, situé dans le finage de Bitschhoffen est devenue une commune indépendante depuis 1847, elle est réputée pour sa fabrique de chaussures, c'est ici que nait le 23 janvier 1849, François Xavier Corbet fils du vitrier Jean Baptiste Corbet et de son épouse Marguerite Locher.
Naissance François Xavier Corbet - 1849 - La Walck - AD 67 |
Il est le douzième enfant de la famille, huit frères et trois sœurs, mais très peu ont survécu.
A 50 kilomètres de La Walck, six ans plus tard, c'est la naissance de Catherine Weidmann, le 04 janvier 1855, elle est fille de Nicolas Weidmann, cordonnier et de son épouse Christine Bauer
Naissance Catherine Weidmann - 1855 - Sarrewerden - AD 67 |
En 1870-1871, la France, après sa défaite lors de la guerre franco-prussienne, cède l'Alsace-Moselle au Reich allemand. C'est ainsi que François Xavier Corbet et Catherine Weidmann, tous deux originaires de cette région annexée, deviennent citoyens allemands. Alors que les frères et sœurs de François Xavier partent s'installer à Paris, lui choisit une autre voie : Strasbourg, Metz, puis Nancy, où il finit par s'établir en 1873.
C'est à Nancy qu'il rencontre Catherine Weidmann, également originaire d'Alsace. Elle y vit en tant que journalière, enchaînant des petits boulots pour survivre. Leur mariage a lieu le 17 août 1881 à Nancy, mais sans la présence des parents. François Xavier a perdu son père, et sa mère, restée à La Walck, ne fait pas le déplacement. Catherine, elle, vit dans le deuil de sa propre mère, décédée en janvier de la même année.
Le couple s'installe chemin des Penneteries (devenu depuis la rue Virginie Mauvais). François Xavier est cordonnier et Catherine subvient aux besoins du foyer en travaillant dans une fabrique de jouets. Entre 1883 et 1892, ils ont huit enfants, mais la vie leur réserve de cruelles épreuves : cinq de leurs enfants meurent en bas âge. Les trois enfants survivants sont Émile, Louis, et Jules.
La vie de François Xavier est marquée par une légère claudication à la jambe gauche et un sérieux défaut : il est paresseux et peine à garder un emploi stable. Catherine devient le principal soutien financier de la famille, enchaînant des heures de travail pour nourrir tout le monde. Le couple partage une passion destructrice : l'alcool. François Xavier boit plusieurs fois par semaine, et il prétendra plus tard que c'était à cause du refus de sa femme d'accomplir ses « devoirs conjugaux ». Catherine, elle, ne boit qu'une fois par semaine. Les disputes sont fréquentes, violentes, et les enfants sont souvent laissés à eux-mêmes. Louis, particulièrement affecté, finit en maison de correction.
Le 1er novembre 1899, tout bascule. François Xavier, déjà ivre, rentre chez lui vers 18 heures. Une dispute éclate une fois de plus, cette fois-ci à propos des lettres de leur fils Louis. François Xavier veut les lire, mais Catherine refuse, ayant elle-même bu. Selon les dires de François Xavier, elle le menace d'un couteau et lui assène deux coups de pied au bas-ventre. Furieux, il s'empare d'un tranchet sur son établi et frappe Catherine à la gorge, lui tranchant la carotide. Elle meurt en quelques minutes.
Sous le choc de son geste, François Xavier ne fait rien pour aider sa femme et s’assoit au fond de la pièce pour fumer. C'est son fils Émile, rentré peu avant 20 heures, qui découvre la scène macabre et alerte la police. François Xavier est arrêté sans résistance, affirmant qu'il a tué sa femme en légitime défense. Pourtant, le médecin légiste ne trouve aucune trace de coups sur le bas-ventre de François Xavier, seulement quelques écorchures sur son visage et un œil tuméfié.
Lors du procès, la défense tente de dépeindre Catherine comme une femme au caractère irascible, tandis que le ministère public loue son travail acharné et décrit François Xavier comme un homme paresseux. Le verdict est rendu en seulement une demi-heure : François Xavier est condamné à 7 ans de prison avec des circonstances atténuantes.
Privés de leurs parents, les enfants se retrouvent seuls. Émile et Louis, alors âgés de 16 ans, sombrent dans la délinquance, tandis que le plus jeune, Jules, est placé en orphelinat avant d’être envoyé comme ouvrier agricole.
Émile, comme son père, devient cordonnier mais accumule les condamnations pour vagabondage, vol et autres délits mineurs. Sa première condamnation survient à 18 ans, lorsqu'il se fait volontairement arrêter après avoir brisé un réverbère, espérant ainsi trouver refuge en prison. Il passera un mois en détention. Plus tard, en 1904, avec son frère Louis, il participe à une agression au couteau contre deux étudiants étrangers. Émile et Louis continuent sur la voie de la criminalité, accumulant des condamnations pour ivresse, vol, et outrage.
Louis, lui aussi cordonnier, en maison de correction lors du drame familial continue à se faire remarquer par ses actes de violence et sa dépendance à l’alcool.En 1921, il vit avec Maria Kinderschutt, une journalière, et la fille de celle-ci, Yvonne.Il meurt en 1925 à l’hôpital Villemin de Nancy, des suites de la tuberculose.
Jules, le plus jeune, suit un destin différent. Placé en orphelinat puis chez une famille d'agriculteurs, il s’engage dans l’armée et meurt en 1914, "mort pour la France" lors de la bataille de Morhange.
Quant à François Xavier, il est finalement décédé à Nancy le 2 octobre 1914, alors que ses enfants ont déjà tracé des chemins bien différents.
L'Est Républicain - Édition du 12 octobre 1901 - Limedia Kiosque |
Acte de décès de François Xavier Corbet - Nancy 1914 - AM Nancy |
PS : Le père de Catherine Weidmann, Nicolas, était le frère de Marie Elisabeth Caroline Weidmann ma sosa 45.
Bien tristes vies
RépondreSupprimerTrès bon premier article !
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